Ayant à m’occuper pour des raisons personnelles des prémices de la Révolution française, je ne puis m’empêcher d’établir un parallèle entre les troubles qui ont éclaté dans la France rurale et dans la plèbe urbaine entre 1787 et 1789 et ce qui se passe aujourd’hui.
Qu’on se rassure, je n’ai pas pris ma boule de cristal pour prédire une nouvelle Révolution dans les mois qui viennent. L’avenir échappe de plus en plus à toute maîtrise, ce qui rend impossible de prévoir quoi que ce soit. Je ne parlerai donc que de l’extrême présent.
A la radio, j’entends les commentateurs s’étonner que ce mouvement des gilets jaunes soit si peu structuré et surtout si peu précis dans ses revendications. L’idée, en gros, c’est que s’il y avait des revendications claires et des représentants désignés, il serait possible de discuter, voire de négocier.
Or, ce regret témoigne d’un profond malentendu. Le mouvement des gilets jaunes est l’expression d’une colère qui n’entre dans aucune des cases du système. Ce mouvement est justement le signe que quelque chose d’essentiel est en train d’échapper complètement au jeu traditionnel. Il met crûment en lumière la désadaptation des institutions devant une crise qui ne peut pas être gérées dans les conditions du fonctionnement actuel de l’Etat.
Les gilets jaune n’ont aucun interlocuteur possible devant eux et les institutions présentes peuvent bien permettre aux responsables de l’Exécutif de tenter de contenir la crise, mais ils ne sont déjà plus capables de la surmonter dans le cadre existant.
Quand M. Castaner fait les gros yeux, quand le gouvernement prétend distinguer ceux dont il « entend » la « souffrance » et ceux dont ils condamne les « débordements », quand journalistes et politiques en appellent à plus de « pédagogie » de la part du gouvernement, comme si les citoyens n’étaient que des enfants, on perçoit la profondeur du malentendu. Tous ces gens ne voient tout simplement pas ce qui fermente juste sous leur nez et, d’une certaine manière, les gilets jaunes sont encore condamnés à ne pas mesurer la portée ce qu’ils sont en train de faire.