1. Introduction
On sait gré à Freud d’avoir libéré la vie sexuelle de la honte et de l’hypocrisie qui lui étaient associées.
Ce serait parfait si Freud n’avait en plus apporté dans ses bagages un certain complexe de castration, le phallus et, horresco referens, ce désir de pénis (Penisneid) dont seraient accablés les sujets de sexe féminin. Cela suffit à déchaîner l’ire de toutes les contemptrices et de tous les contempteurs du patriarcat.
Et il ne s’agit pas chez Freud d’un détail qu’on pourrait escamoter vite fait sous la carpette d’un joli commentaire.
Bref, aux yeux de ceux qui se considèrent comme les plus progressistes, ces horreurs suffisent à disqualifier Freud. Au trou, la psychanalyse !
Que faire dans ces conditions ?
De deux choses l’une : ou bien Freud n’est que le porte-parole – à son insu ou pas – d’une idéologie pernicieuse, et on passe à autre chose, ou alors, comme dit l’autre, c’est plus compliqué que cela.
Pour ma part, j’ai une très grande estime pour Freud et suis donc tout naturellement enclin à le défendre (modestement). Mais je suis aussi conscient que l’accusation est trop grave pour qu’un plaidoyer, si émouvant soit-il, porte le moindre fruit. Je me bornerai donc à un retour au texte et ferai mon possible pour que ma sympathie pour les auteurs ne biaise pas trop ma lecture.
Je propose de commencer par calmer le jeu, de mettre provisoirement la polémique entre parenthèses et de considérer la question de la manière la plus dépassionnée possible. Si le complexe de castration n’est qu’un reliquat du patriarcat, nous pourrons peut être savoir comment et pourquoi. S’il y a un malentendu, une mécompréhension de la pensée freudienne, nous y verrons alors une peu plus clair.
Comme il est un texte de Lacan qui porte précisément sur ce point : La signification du phallus (Ecrits II, pp. 163 – 174), nous allons en faire une lecture commentée. Je conseille vivement aux personnes qui d’aventure tomberaient sur cette séquence d’articles d’avoir le texte de Lacan sous les yeux, faute de quoi le commentaire pourrait leur sembler passablement ésotérique.