Un blog ? Vous tenez un blog ? Quelle idée ! Pourquoi ne pas pianoter sur un minitel, vous déplacer en char à boeufs, ou vous éclairer à la lampe à pétrole ? Qui tient un blog aujourd’hui ?
Qu’on en pense ce qu’on voudra : joyeusement intempestif, et ingénument démodé, la seule chose dont je me soucie est de trouver mon chemin dans ce monde. Peu m’importent les apparences et l’avis de ceux qui, de toute manière, ne me liront pas. Si l’essentiel est de pouvoir accomplir ce qui compte dans les meilleures conditions possibles, alors laissons tomber la mode et le qu’en-dira-t-on.
L’expression écrite s’impose à mes yeux comme la condition nécessaire de toute articulation et de tout approfondissement de la pensée. Cela va bien au-delà du simple outil de communication.
Et si, à l’époque où le clavier domine, ou le tapuscrit a détrôné le manuscrit, certains s’en tiennent encore au sytylo et au papier, qu’ils préfèrent, qu’ils ne boudent pas leur plaisir.
Divers canaux de publication s’offrent à qui pratique l’écriture, les plus courants étant la corbeille à papier ou le tiroir à oubli.
Publier des livres ne m’intéresse pas. Je m’expliquerai sur ce point à l’occasion. Internet, en revanche, m’offre un espace de très grande liberté.Pour une minorité de gens – mais leur nombre n’a aucune importance – le blog demeure un mode d’expression écrite tout à fait approprié. Si l’on en compte beaucoup moins aujourd’hui, cela ne veut pas dire que la forme elle-même soit condamnée. Ceux qui subsistent, envers et contre tous, ont de bonnes raisons d’être là. En quelques années, avec la montée en puissance des ordinateurs et la vitesse accrue du débit et de la vitesse de communication, la création de contenus sur internet à trouvé de nouvelles formes et, très naturellement, de nombreux usagers ont glissé vers des formules plus souples, intégrant l’image et le son, qui leur convenaient mieux. C’est dans l’ordre des choses, et cela ne met pas forcément en cause la pratique de l’écriture proprement dite.
Il n’est pas exclu, cependant, que nous assistions également à une régression absolue de l’expession écrite. Je n’ai pas le moyen de mesurer ce phénomène, aussi demeurerai-je prudent sur ce point. C’est une question capitale sur laquelle il nous faudra revenir quand nous aurons plus d’éléments en main. Je note.
Quiconque écrit, qu’il publie ou non, déploie autour de lui un dispositif incontournable dont nous devons considérer tous les aspects. Ce dispositif est relationnel, quand bien même l’écriture elle-même semblerait purement solitaire. Elle met en jeu un sujet écrivant, et un Autre, témoin et interprète. Cet Autre que j’évoque ici a bien sûr tout à voir avec l’Autre lacanien, mais pour l’heure, évitons l’amalgame, on en reparlera. Retenons simplement que l’Autre ici n’est pas celui que je fusille du regard, qui pourrait prendre ma place dans le bus ou que je sollicite quand mon wifi défaille. C’est celle ou celui qui pourrait m’entendre, voire me répondre, voire me mentir.
Le blog fournit une version exemplaire de ce dispositif par l’illusion qu’il supporte d’un Autre qui pourrait en accomplir la lecture.
Nous attendons toujours de tout message que nous élaborons quelque chose de plus que ce que nous y avons mis. Et ce quelque chose de plus passe par l’Autre, nous est rendu par l’Autre avec les intérêts.
Ce blog-ci, après dix années de survie, a sa propre histoire, celle de la dynamique hasardeuse d’un projet qui tente d’émerger et qui s’épuise dans une réalisation chaotique.
C’est une suite de recommencements suivis de longues périodes d’inactivité. Un feu de camp qui ne veut pas « prendre ». Le bois trop humide ne s’embrase pas et le petit feu qui devait engendrer le grand s’éteint de lui-même. Espoir avorté, effort inabouti. Comme on s’en doute, cette succession de faux départs, trahit mes intentions initiales. Mais, qui sait, cette insistance de l’échec, par les remises en question qu’elle m’impose me conduira peut-être quelque part. Ce n’est pas le sort de tous les blogs. Il existe des blogs pérennes, constants, fidèles à leur objectifs, réglés comme des horloges. De toute évidence, ce n’est pas le cas de celui-ci. Eh bien, tirons-en le meilleur parti possible ! Je remets donc aujourd’hui couvert, en me gardant bien de promettre quoi que ce soit. On verra bien. En tout état de cause, l’univers s’accommode sans peine de l’intermittence de ce blog. Quoi qu’il advienne, je ne léserai personne.
Ce que tu ne dis pas, c’est que ce blog est le successeur d’un premier blog, un feu qui a flambé fort et longtemps. Mais l’époque était différente et la plateforme qui hébergeait le blog avait un autre esprit : c’était un grand bateau de jeunes adultes où les rares blogueurs plus âgés étaient emportés dans le mouvement de la vague. Les posts étaient plus réguliers et les blogs vivaient vieux.
Ici, sur WordPress, il faut s’accommoder du silence de l’Autre et d’une certaine froideur.
On a quelquefois l’impression d’écrire comme dans un palais qui résonne.