Je pose mes articles sur ce blog et, lecteurs, débrouillez-vous avec. Cette désinvolture se paie au prix d’une audience minimale et d’une inefficacité de fait. Pourquoi pas? Je ne cherche pas à élargir mon public à tout prix. Mais surtout, je ne n’aspire pas à une reconnaissance quelconque en tant que personne. Mes états d’âme et mes problèmes, en supposant que j’en aie, n’ont d’intérêt que pour ceux qui partagent ma vie réelle. Ce qui compte ici, c’est le texte, uniquement le texte. L’auteur dans ses microscopiques aventures personnelles doit rester dans l’ombre. J’adhère complètement à ce principe.
Pourtant, dans les faits, le lecteur à qui je sers un plat tout préparé a le droit de savoir dans quelle cuisine, avec quels ingrédients et dans quelles conditions d’hygiène il a été élaboré.
C’est donc parti pour une inconfortable séquence en « je ».

Je suis né en 1946 sur les bords du lac Léman, territoire dont je ne me suis jamais éloigné. Je me suis engagé, comme il est d’usage dans le milieu dont je suis issu, dans la voie d’une formation universitaire. Certains événements survenus en 1968 ont marqué un arrêt brutal dans ce parcours trop bien balisé. J’ai rompu à la fois avec mon milieu et le monde académique et suis entré par la bande dans l’enseignement. Longtemps j’ai pensé que ce changement radical d’orientation m’avait été imposé par les circonstances; mais j’ai finalement reconnu que dans tout ce qui nous arrive il y a une part de choix. Dans ce cas précis, ce fut un choix émancipateur qui m’a arraché à un semblant d’univers, imitation en miniature et asseptisée du monde réel, où je me serais assoupi sous d’improbables lauriers. L’absence de légitimité académique est certes un handicap, mais c’est aussi une garantie. Certes, les marginaux et surtout les autodidactes ont mauvaises presse. On les accuse volontiers de manquer de fondements, d’avoir poussé n’importe comment. C’est possible, mais ils ont pour eux le refus de se laisser formater. Pour autant, mon parcours n’a rien d’exemplaire et c’est à chacun de faire au mieux selon les circonstances et selon ses moyens. Loin de moi l’idée de condamner les cursus plus officiels !

Ce n’est pas à moi de juger de mon sérieux, donc de ma crédibilité. D’autant que si je suis là, si je fais ce que je fais, si je m’adresse à des gens, ce n’est pas parce que j’aurais quelque chose à transmettre, une sorte de trésor accumulé depuis des années, qui ferait de moi un sage, quelqu’un de mieux placé qu’un autre pour expliquer ce qu’est le monde et ce que doit être ou devrait être la vie.
Je ne suis pas un savant, je ne détiens aucune vérité inaccessible au commun des mortels. Je ne prétends à aucune expertise. Je suis juste présent à ce monde, en quête de sens.
Voilà. Qui m’aime me suive !