1. Le titre

Lacan ne choisit pas ses titres pour accrocher le lecteur; ils ont donc toujours une valeur informative et font clairement partie du texte. Ils comportent des indications utiles, quand bien même celles-ci ne prennent vraiment sens qu’après coup, à la lumière du texte tout entier. Il vaut la peine de s’y arrêter un instant car ils fournissent une première impulsion ; ils indiquent un espace de réflexion et une direction à suivre.
1. Le groupe prépositionnel « dans l’inconscient » nous renvoie à l’inconscient freudien. Nous sommes suffisamment avertis pour savoir que le mot « inconscient » ne désigne pas un organe, ni une chose quelconque. Ici, l’inconscient est donné comme un lieu, une place, dans quoi il y a quelque chose. N’essayons pas de saturer ce terme de ce que nous pourrions en dire à partir de notre propre système de référence; tenons-nous en au mot, rien qu’au mot comme s’il ne s’agissait que d’une marque, d’un repère. C’est une règle que nous appliquerons systématiquement : quand nous tomberons sur un mot tel que celui-là, nous commencerons par le prendre comme un mot nu, encore vierge de sens. Nous ne feindrons donc jamais de savoir ce qu’il signifie et nous construirons petit la signification qui peut lui convenir dans le texte, à partir du texte. Le mot ne nous vient pas tout armé, mais comme la désignation d’une place, à la limite d’un manque dans un énoncé, manque que nous pourrons remplir progressivement à la lumière de ce que nous apportera notre lecture.
2. L’inconscient nous est présenté ici comme un contenant et ce qui importe, ce qui le détermine, c’est son contenu, contenu qui n’est pas la lettre mais, si l’on s’en tient rigoureusement à ce qui est écrit, une instance. Le mot n’est pas usuel et il ne faut pas passer à côté : l’instance, c’est le fait d’insister (voir en annexe la rubrique du Littré). Dans l’inconscient, il y a donc une insistance. L’inconscient est donc porteur de l’insistance obstinée de quelque chose. Pensons à ce type de gêneur particulièrement tenace qui devient envahissant quand on l’ignore et qui revient toujours quand on le congédie.
3. Et ce gêneur, c’est ici la lettre. Lacan aurait pu opter pour le mot discours (il dira plus loin « chaîne signifiante »), mais il écrit « lettre ». Le choix de ce mot est clairement lié au public auquel Lacan s’adresse, des étudiants en Lettres. Il faut comprendre ici que l’inconscient a à voir avec le champ des lettres, la littérature. « Lettre » et non pas « langage ». La lettre, ce n’est pas le langage, c’est de la matière dont ces productions de langage sont faites. L’inconscient est donc le porteur de quelque chose qui se manifeste comme une parole. Ce serait trop loin à ce stade de dire que l’inconscient est au sens strict porteur d’une parole. Contentons-nous de « comme une parole ».
4. « Ou la raison depuis Freud »
Ne négligeons surtout pas ce complément du titre, même s’il est écrit en caractères plus petits. Cet article procède en effet d’une causerie tenue avec les étudiants en philosophie de la Sorbonne. La rupture freudienne ne concerne pas que la psychiatrie. Elle met en crise le concept même de raison et, de ce fait, interroge la philosophie tout entière.

2. Exergue

C’est un passage énigmatique et beau des carnets de Léonard de Vinci, une adresse aux « citoyens affligés des cités de la mer ». Le titre nous indique que ces cités sont la patrie des enfants humains qui viennent de naître, aussitôt captifs, entravés dans des liens implacables. Leur destin est de pleurer leur liberté perdue mais personne ne les comprend, pas plus qu’ils ne comprennent le langage de ceux qui les ont entravés.
Comme pour le titre, j’invite le lecteur à revenir à cette citation au terme de son parcours de lecture. Peut-être alors pourra-t-il se dire : Ah oui, je vois…

3. Inventaire

Ce découpage est donné ici pour aider le lecteur à se repérer dans sa lecture. C’est donc un instrument annexe au même titre qu’une table des matières ou un index. La pagination est celle de l’édition de poche (Jacques Lacan, Ecrits I, Seuil). Je rappelle au passage que les deux volumes de l’édition de poche partagent en deux un ouvrage unique (Ecrits) dans l’édition originale de 1966.

Prologue

490

– La parole et l’écrit.
– Ce que veut dire la prévalence du texte dans l’écrit.
– Différence de statut entre les Ecrits et le Séminaire.

491

– Freud et les disciplines littéraires.
– Polémique contre les analystes dévoyés.
– La psychanalyse se déroule dans et par le langage.

Partie 1

492

I. Le sens de « la lettre »
– C’est la structure du langage que l’expérience psychanalytique découvre dans l’inconscient.
– L’inconscient n’est donc pas le siège des instincts.
– Lettre, langage, discours.
– Qu’est-ce que la lettre ? Support concret que le discours emprunte au langage.
– Remarque sur le langage.
– Le langage préexiste toujours au sujet.
– Les deux versants de l’aphasie.
– Le Sujet défini comme serf du discours.

493

– A la distinction binaire nature-culture se substitue la distinction ternaire : nature, société et culture.
– Conception ternaire de la condition humaine.
– La culture se réduit au langage.
– Le marxisme et le langage.
– Position pilote de la linguistique.

Partie 2

494

– Algorithme fondateur de la linguistique : S/s
– Saussure
– Signifiant et signifié sont deux ordres distincts.
– La signification renvoie toujours à une autre signification.
– Toutes les langues peuvent tout dire.
– Dans la langue l’objet ne s’atteint que sous la forme du concept.
– Le signifiant n’a pas pour fonction de représenter le signifié.
– Impasse du logico-positivisme.

496

– La conception intuitive sous la forme d’un schéma erroné : mot « arbre » / dessin d’un arbre.
– A quoi l’on oppose le schéma alternatif des deux portes.
– Précipitation de sens inattendue.

497

– La manière dont le signifiant entre dans le signifié.
– Exemple amusant des deux enfants montrant que le signifié peut être flottant, imprévu.

498

– Lecture de l’algorithme : C’est une fonction du signifiant qui ne peut révéler qu’une structure de signifiant.
– Le signifiant est articulé.
– Il se compose selon les lois d’un ordre fermé.
– Substrat topologique : chaîne.

Partie 3

499

– Seules les corrélations du signifiant au signifiant fournissent l’étalon de toute recherche de signification.
– Le signifiant anticipe toujours sur le sens.
– Le sens insiste dans la chaîne signifiante, mais aucun élément de la chaîne ne consiste dans la signification.
– Glissement du signifié sous le signifiant.

500

– Entre signifié et signifiant, non pas des segments de correspondancemais des points de capiton.
– Linéarité du discours mais polyphonie poétique.

501

– Variations verticales sur le mot arbre.

502

– La structure de la chaîne signifiante découvre la possibilité de s’en servir pour signifier tout autre chose que ce qu’elle dit.
– Cela ne veut pas dire « déguiser sa pensée ».
– Indiquer la place du sujet dans la recherche du vrai.
– Entre les lignes.
– Fonction signifiante 1 : métonymie.

503

– Fonction signifiante 2 : métaphore.
– Ecriture automatique.

504

– Un mot pour un autre.
– Hugo : Booz endormi.

505

– Métaphore au point précis où le sens se produit dans le non-sens.
– Le mot d’esprit.
– Leo Strauss.

Partie 4

506

– La lettre dans l’inconscient.
– La science des rêves.

507

– Le rêve est un rébus.
– L’image n’a rien à faire avec sa signification.
– Confusion chez les psychanalystes.

508, 509, 510

– Le rêve (suite)

Partie 5

511

– Les lois de l’inconscient.

512

– Topique des lois de l’inconscient : S/s
– Métonymie et métaphore.

Partie 6

513

– Le sujet

516

– Le désir.
– Mémoire et remémoration. Insistance de la chaîne signifiante.

517

– Le mythe

518

– Le moi

519

– Retour à l’inconscient.

520

– Fétichisme.
– Conclusion avec les résistances à l’analyse.

Partie 7

521

– Signification de la découverte freudienne.
– Compromis et médiation.

522

– Hétéronomie.
– Sur le langage : comportement animal et comportement humain.

523

– Lieu de la convention signifiante.
– L’autre et l’Autre.

524

– Kern unseres Wesen. Non pas le but mais l’orientation.

525 – 526

– Freud et la science.

4. Structure conceptuelle du texte

– L’analyse nous fait découvrir la structure du langage dans l’inconscient. (inconscient / langage)
– La structure du langage : signifiant / signifié / métonymie / métaphore
– La structure du langage dans l’inconscient : le rêve / les lois de l’inconscient / le sujet / le désir / le mythe
– Signification de la découverte freudienne : hétéronomie /

5. Annexe

Rubrique « instance » dans le dictionnaire de Littré

INSTANCE (in-stan-s’) s. f.
1°Soin extrême, pressant.
Et notre plus grand soin, notre première instance Doit être à le nourrir [l’esprit] du suc de la science, MOL., F. sav. II, 7
2°Sollicitation pressante. Demander avec instance.
Et son amour même m’a fait instance De presser les moments d’une telle alliance, MOL., F. sav. II, 3
On ne sait pas faire instance pour obtenir la délivrance des passions, MASS., Carême, Prière 1
Instances, au pluriel, en ce sens, est présentement plus usité que le singulier. Faire de vives instances. Ses instances furent pressantes.
Peut-être que la personne infortunée qui corrompit la première votre innocence crie actuellement dans le lieu de son supplice [enfer], et fait des instances de rage auprès de son juge pour qu’il lui soit permis de venir vous montrer ce spectre affreux qui alluma autrefois dans votre âme encore pudique des désirs impurs, MASS., Carême, Riche.
3°Nom qu’on donne à tout procès où il y a demande et défense. L’instance était pendante à tel tribunal. Former une instance. L’instance est périmée. Reprise d’instance.
Je me la suis fait adjuger pour les frais d’une instance que j’ai eu l’esprit de faire durer dix-sept ans, et le fond du procès n’est pas jugé encore, DANCOURT, Vacances, sc. 3
(Terme de pratique). Instance par défaut, celle qui se poursuit lorsque le défendeur ne se présente pas.
Première instance, poursuite d’une action devant le premier juge. Il perdit son procès en première instance.Tribunal de première instance, tribunal inférieur qui connaît de toutes les contestations en matière civile, à partir d’une certaine somme. Avoué près le tribunal de première instance.On dit de même : juge de première instance.
(Terme d’ancienne jurisprudence). Instances sommaires, procès qui s’instruisaient par écrit dans l’espace de six jours, en conséquence d’une requête présentée à la cour.
4. (Terme de l’école). Argument nouveau qui a pour objet de détruire la réponse faite au premier. Voilà une bonne instance. Que répondez-vous à cette instance ? Les instances de Gassendi contre les Méditations de Descartes.
Comme a fort bien répondu Sénèque à cette sorte d’instance [adressée à Épicure], LA MOTHE LE VAYER, Vertu des païens, II, Épicure.
5°Cas, fois (acception qui a vieilli).
Mon cheval tombe sur moi par deux instances, CHAULIEU, Lett. inéd. p. 95 (édit. de 1850).